Ludovic Dhenry est quelqu’un de très
occupé. Il vient de sortir le cinquième disque de son projet néoclassique
Exponentia. Le premier en quatre ans, mais cela dépend aussi du fait qu'il a
aussi un projet électro avec Zauber, et fait de l’industriel ambiant avec
Résonance Magnétique. Nous pensions qu'il était temps de mettre de l’ordre dans
tout ça ...
Nous avons beaucoup aimé le dernier disque d’Exponentia. C’est le premier
disque en quatre ans, et c’est un EP qui ne contient que 5 morceaux. Pourquoi
si peu après si longtemps ?
Cela est dû au fait que j'ai travaillé sur
d'autres projets musicaux, durant cette période j'ai réalisé un album de
Zauber, puis un autre de Résonance magnétique. Avant de commencer la composition
de mon 11e album, j'ai eu envie de travailler sur un format différent. Un album
est structuré d'une certaine manière, le format EP implique de penser
différemment cette structure. Quelque chose de plus condensé. J'ai pensé cette
structure avec 2 titres instrumentaux, comme pour ‘ouvrir’ et ‘fermer’ une
parenthèse contenant 3 titres très calmes, très mélancoliques. Un nouvel album
d'Exponentia est prévu pour cette année.
Y a-t-il une thématique sur le disque ‘Du wirst sein’ ?
Mes textes sont toujours des petites histoires
sombres se déroulant dans un monde imaginaire, Fantasy. Dans lequel on peut
rencontrer des créatures, des anges, des vampires, des sorcières, des
dragons... C'est un monde magique, les arbres saignent, les morts ressuscitent
parfois... J'aime la Fantasy en romans, films et jeux video, avec Exponentia,
j'apporte cette partie de moi dans ma musique. Quand je compose de la musique,
j'ai toujours dans mon esprit ce monde imaginaire.
La thématique de ce EP est la mort et la
tristesse que cela implique. Ceci est
souligné par la musique lente et calme du disque. Avec une touche de frénésie
sur le titre finale ‘Le navire des âmes’, exprimant dans mon imaginaire le
voyage des morts vers un autre monde, comme une touche d'espoir pour
d'éventuelles retrouvailles. Avec ce titre, les âmes partent et le disque
s'achève.
Les guitares qui étaient proéminentes sur ‘Abend’ ont disparues. Pourquoi ?
Concernant l'instrumentation, de par son style
musical, Exponentia n'est pas figé avec une règle stricte comme pour d'autres
styles musicaux où la guitare est indispensable, comme pour le rock par exemple.
Je peux donc utiliser un large spectre d'instruments, en changeant selon les
albums. Je pense beaucoup aux synthétiseurs pour le futur, mais aussi aux
guitares... Ce qui est le point central, et qui donc ne changera pas, sont les
instruments de musique classique.
Parlons un peu de tes autres projets. Zauber a sorti un magnifique disque en 2017 : ‘Weg der Seelen’. Zauber était ton premier groupe. Qu’est-ce qui t’a amené à t’accrocher à ce projet ?
Parlons un peu de tes autres projets. Zauber a sorti un magnifique disque en 2017 : ‘Weg der Seelen’. Zauber était ton premier groupe. Qu’est-ce qui t’a amené à t’accrocher à ce projet ?
Merci pour le compliment. J'ai toujours aimé
l'electro goth, avec des groupes comme Seelenkrank, Die Form, Ghosting et
d'autres. J'ai parfois envie de composer
ce style de chansons qui ne fonctionneraient pas dans un album d'Exponentia.
Alors je compose pour Zauber.
Je trouve aussi que le son de Zauber est devenu plus symphonique par rapport à ces débuts. Est-ce l’influence d’Exponentia sur ton projet electro ?
Je pense que oui. On ressent quelque chose comme ça à l'écoute, dans la manière d'amener les choses, les arrangements. La musique classique a pris beaucoup d'importance en moi. Chacun évolue et je pense qu'inévitablement cela doit se ressentir dans Zauber.
En 2019, tu sortais l’album ‘Sign’ de Résonance Magnétique. Quelle est ta
motivation pour faire cette musique électronique purement instrumentale ?
J'ai ressenti le besoin de créer des ambiances,
des atmosphères, pour une musique qui s'écoute en fond sonore. Des chansons
avec des arrangements symphoniques, un chant, des couplets... n'auraient pas pu
créer cette atmosphère ambiante, cette présence dans votre maison qui
s'installe au fur et à mesure que les titres s'enchaînent.
Sur ‘Sign’ comme sur son prédécesseur ‘Revoke’, j’ai remarqué une véritable évolution au cours du disque, comme si tu voulais nous faire voyager d’une atmosphère à une autre pendant l’écoute de l’album. C’était une idée préconçue ?
Oui et non. Ou plutôt Non pour ‘Revoke’ et oui
pour ‘Sign’. Lors de la composition de ‘Revoke’, ce n'était pas préconçu, mais
c'est devenu inévitable au fur et à mesure que j'avançais dans les démos. Je
voulais composer un disque indus rythmique très sombre mais aussi ambiant. Pour
que tout s'enchaîne de façon naturelle, les sonorités et l'ambiance ressentie
ont été créées comme étant commune aux titres, ce qui a favorisé l'unité de
l'album. A la fin, la tracklist a été pensée pour que l'enchaînement des titres
rythmiques et des titres ambiant soit cohérent. Pour l'album ‘Sign’, mon
expérience passée a permis à que tout soit pensé d'avance.
Certains de tes disques sortent en CD, d’autres seulement en format
digital. Quelle est ta politique en ce qui concerne les formats ?
Dans un monde idéal, je sortirais tous mes albums
en CD. Malheureusement, nous vivons dans un monde où le marché du disque n'est
plus ce qu'il était. Actuellement ce n'est plus possible pour moi.
Dans une interview, tu racontes que tu sortais souvent en Belgique. Je
suppose que c’était du temps du Steeple à Waregem, une salle qui a
malheureusement disparue depuis de années. Quels souvenirs as-tu de cette place
mythique ?
Oui, c'était du temps du Steeple à Waregem. Ce
que je peux dire de ce lieu mythique c'est que c'était pour moi les meilleurs
soirées goth ! C'était comme une seconde maison, on se sentait chez soi là-bas.
Je pense que les souvenirs que j'ai de ces
soirées s'entendent dans ma musique,
étant donné que l'ambiance qui y régnait et les
groupes de musique qui étaient diffusés m'ont influencé, indéniablement. A
l'époque, je composais des démo mais je n'avais jamais sorti d'album. Je me
souviens que la démo du titre Zauber ‘Euphoria’ passait régulièrement là bas. C'était
pour moi une satisfaction d'entendre ma chanson parmi les groupes de musiques
cultes que j'aime.
Selon la même interview, tu vivrais comme un reclus en composant ta
musique. Comment fais-tu ? Je suppose que tu ne peux pas vivre de ta
musique ?
Effectivement je ne vis pas de ma musique car
sans distributeur, c'est forcément difficile d'être connu de la scène gothique
de nos jours. D'ailleurs, je remercie vivement Dark Entries, webzine qui a le
mérite de tenir et couvrir cette scène alternative et qui s'intéresse à mes
projets depuis mes débuts.
Je vis avec une personne qui me laisse vivre ma
passion pour la musique gothique et nous nous suffisons avec des besoins
modestes. Je n'ai pas plaisir à sortir à l'extérieur, dans le monde dit ‘réel’.
J’aurais l'impression d'y perdre mon temps, ce serait une contrainte. J'ai très
peu de contact avec des personnes, ce n'est pas dans ma nature, je ne m'y sens pas à l'aise. Ma plus grande
satisfaction de vie est d'être dans mon home-studio pour écrire de la musique,
et même si je ne suis pas reconnu, j'en composerai toujours, je ne pourrais pas
arrêter ce processus créatif qui doit sortir de moi.
Quels sont tes projets pour l’avenir ?
Je compte me consacrer exclusivement à
Exponentia, en y incluant l'ambiance des mes autres projets, parfois sous forme
de paysages sonores ambiants sur certains titres, peut être aussi sous forme de
remix electro. L'écriture du prochain album vient de commencer, on verra où
cela va m'emporter.
Y a-t-il une chance qu’on te voie encore jouer en live avec un de tes
projects ?
Non, je ne pense pas.